Ituri : Les autorités coutumières prennent leurs responsabilités pour pacifier leurs communautés

October 18, 2023

Radio communautaire Tuendeleye de Gety. Journal du matin. C’est encore le message du secrétaire administratif de la chefferie des Walendu-Bindi qui est dans les titres ce 16 août dernier. Martin MATATA KAWA appelle les communautés à la cohésion sociale, après des affrontements ayant opposé deux villages du groupement zadu à plus de 60 km au sud de la ville de Bunia, en province de l’Ituri. Selon des sources concordantes, cette situation a coûté la vie à un chef de village et 91 maisons ont été incendiées. Le lendemain déjà, une délégation composée des notables de la zone s’active pour calmer la tension, à l’initiative du chef de chefferie. Fidèle Mongalyema croit que la stratégie qui cherche à mettre les parties en conflit autour d’une même table reste la seule alternative. Il affirme avoir tiré cette expérience des retombées des formations reçues dans les activités du projet soutien à la médiation pour la résilience et la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu, financé par l’Union européenne. « J’avais du mal à mobiliser les notables des différents villages après des échauffourées opposant certaines entités. Aujourd’hui, nous avons mis en place une commission pour aller échanger directement avec les personnes concernées, pour une médiation. Des acquis que j’ai tirés des séances de renforcement de capacité reçues de Pole Institute sur la gestion et la prévention de conflits », témoigne-t-il.

Comme lui, certains de ses collaborateurs se sont déjà approprié l’approche du projet pour rétablir la paix entre les membres des communautés ayant des différends. Patrick Bandru kazi est le chef de village TSEDE. « Je rencontrais des difficultés pour trancher certains jugements. J’étais parfois dans l’obligation de transférer certains dossiers à la police. Aujourd’hui, grâce à ce projet, je suis en mesure de m’assumer. Il m’arrive à ce jour de concilier cinq cas de conflits par semaine », se réjouit-il.

En sillonnant le centre de Gety, les témoignages des habitants démontrent en partie le niveau d’implication des autorités, notamment pour mettre fin aux conflits entre agriculteurs et éleveurs. Ces tensions se soldaient généralement par des violences sanglantes. AWIRA VETSI est une habitante de la chefferie de Walendu-Bindi. Elle parle de l’historique de cet enjeu majeur que le consortium médiation composé d’Interpeace, Pole Institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et l’Université de New York a pu lister en termes de priorités pour pacifier la région. « Avant l’organisation des ateliers portant sur les techniques de médiation, les bêtes pouvaient dévaster des champs entiers. En représailles, les propriétaires de certaines concessions pouvaient s’en prendre à des bêtes jusqu’à les décapiter. Et dans l’incapacité de réconcilier certains habitants, le service de l’Etat pouvait infliger des amendes exorbitantes aux parties », dit-elle.

« Ce qui occasionnait la résurgence de la haine entre les communautés », explique-t-elle. Depuis la tenue d’une série d’ateliers de renforcement des capacités sur la médiation organisée par Pole Institute, il y a plus d’une année, les chefs coutumiers formés prennent des initiatives pour la résolution pacifique des conflits. ODUDHU NZILA Christophe, membre d’une structure de taximan-moto, confirme que certaines autorités qui ont été accompagnées viennent les sensibiliser pour la résolution pacifique des conflits de leadership qui surgissent pour la plupart entre certaines associations des motards. « Les taximen peuvent se bagarrer mais ils se réunissent pour résoudre leur différends grâce aux différentes séances de sensibilisation menées par les chefs coutumiers », précise-t-il. Et pour cause, « le chef d’un parking donné par exemple ne digère pas bien le fait que celui d’un autre point de stationnement des motos arrête son taximan et vice-versa ».

 

La chefferie de Walendu-Bindi a connu un regain d’insécurité depuis 2006 avec l’arrivée massive des déplacés des entités environnantes. Ces derniers étaient venus avec du bétail avant d’occuper certains espaces réservés à l’agriculture, occasionnant ainsi des atrocités à la suite de la dévastation des cultures par des bêtes.

Depuis seulement deux ans environ, une accalmie est observée grâce à l’implication de certaines autorités coutumières, soutenues par quelques organisations humanitaires, fait savoir AWIRA VETSI, membre d’une structure féminine de Gety. Elle cite par exemple l’ONG locale Appui à la communication interculturelle et à l’auto-promotion rurale (ACIAR) qui a lancé une campagne de sensibilisation sur la cohabitation pacifique avant la mise en place de mécanismes de paix par Pole Institute, d’une part, et Alerte internationale, d’autre part, dans le territoire d’Irumu.