Alors que le problème de manque de cohésion sociale se pose comme un défi important au sein de l’Université polytechnique intégrée de Cibitoke située à l’ouest du Burundi, la caisse sociale fédératrice créée par l’étudiant Charles NDAYISENGA favorise une culture de solidarité et de collaboration, tout en contribuant à l’autonomisation économique des étudiants. Ce campus est frontalier du Rwanda et de la République démocratique du Congo (RDC) et il héberge des jeunes de différentes nationalités et d’affiliations politiques variées.
Fragilisée par les divisions ethniques et les conflits cycliques qu’a connus le pays, la cohésion sociale est devenue une quête permanente pour le Burundi. Ce défi d’envergure nationale est notamment reflété par la Vison-Burundi 2025, qui en fait un élément indispensable pour la réalisation d’un futur partagé et d’un meilleur avenir, dans un esprit d’unité et de solidarité.
Ce manque de cohésion sociale n’épargne pas les jeunes et s’observe jusque dans les universités, où l’intolérance politique et ethnique a pu conduire à la violence, en particulier en période électorale ou en période de crise. Conscient de ces défis, pour prévenir les conflits au sein de son institution, le représentant légal de l’Université polytechnique intégrée de Cibitoke a décidé d’inclure dans le règlement d’ordre intérieur une clause qui stipule que celle-ci est un lieu apolitique et areligieux. Nonobstant, l’équilibre reste fragile, puisqu’en dehors du milieu académique, ces jeunes sont affiliés et actifs dans des partis politiques différents. Leur situation économique, souvent difficile, les rend aussi plus susceptibles d’être manipulés par les acteurs politiques souhaitant inciter à la violence. La cohésion sociale laisse à désirer au sein de l’Université puisque l’entraide reste confinée entre étudiants de mêmes ethnies, même appartenance politique et de la même commune et province d’origine.
Au-delà des avantages économiques, la cohésion d’abord
C’est dans ce contexte que Charles NDAYISENGA, étudiant de cette université, a créé une caisse fédératrice pour l’entraide et la cohésion sociale. Ce dispositif est constitué de 46 camarades de classe d’ethnies et d’appartenances politique différentes. « Pas de développement possible sans unité, ni solidarité » lance Charles à ses camarades. « La caisse sociale va non seulement permettre la cohésion mais pourrait également contribuer à résoudre des problèmes persistants tels que la précarité de la vie et l’insuffisance des moyens pour mener à bien nos parcours académiques et nos objectifs au niveau personnel, étant donné qu’elle pourra même évoluer en une coopérative ou microfinance » continue-t-il pour expliquer sa vision.
Avant la mise en place de la caisse, les étudiants ne se communiquaient pas les défis personnels rencontrés au quotidien, chacun résolvait isolément ses soucis. Grâce à elle les problèmes sont maintenant partagés et les étudiants membres sont assistés.
Ce changement a été facilité par une formation sur la gouvernance inclusive dispensée par Initiative et changement Burundi (ICB) dans le cadre du projet Synergies pour la Paix III. Avant celle-ci, Charles Ndayisenga avait essayé de créer une caisse sociale d’entraide dans sa classe, mais n’avait pas réussi à convaincre ses camarades d’y adhérer. Il explique que la formation lui a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur les qualités d’un bon leader et de devenir plus convaincant.
« L’union fait la force »
HITIMANA Samuel, père de famille et étudiant témoigne que l’union fait la force : « N’eût été l’assistance apportée par mes camarades de classe, seul, j’allais avoir des difficultés à payer les tickets des allers-retours Cibitoke-Bujumbura pour pouvoir effectuer des visites à mon enfant qui était hospitalisé loin de la maison et de continuer à fréquenter l’université pour suivre les cours ». Il explique que suite à la mise en place de la caisse, il y a une empathie au sein des étudiants, ce qui n’était pas le cas auparavant : « Même après la sortie de l’hôpital, mes camarades me demandent si l’enfant s’est complètement rétabli ».
Le délégué général de l’établissement est d’avis que cette initiative est un modèle à dupliquer dansd’autres classes de l’université : « Quand il n’y avait pas encore cette caisse sociale, les étudiants vivaient comme des étrangers, chacun entrait et sortait de sa classe après les cours. Maintenant, après les cours, les étudiants partagent des nouvelles, et tout le monde est mis au courant sur les besoins des autres. Nous sommes devenus une famille, des frères et sœurs ». Selon lui, de telles initiatives contribuent à prévenir les violences électorales au sein de l’Université : « Vous savez, quand la période électorale approche, les jeunes se laissent souvent manipuler et diviser. Ayant quelque chose d’intérêt commun comme cette caisse, maintenant il sera difficile à quiconque qui voudra les diviser, parce qu’ils les trouveront déjà unis ».
L’initiatives de Charles NDAYISENGA pourrait jouer un rôle important de prévention des violences et de renforcement de la cohésion sociale au sein de l’Université de Cibitoke à la veille des élections de 2025. Elle promeut également l’autonomisation économique des jeunes, posant ainsi deux pierres fondamentales à l’édifice du développement du Burundi.