Komanda fait partie des entités du territoire d’Irumu, en province de l’Ituri, où des scènes de violences intercommunautaires connaissent depuis peu une certaine accalmie. En cette matinée du 9 juin, l’ambiance observée dans un centre commercial symbolise le retour de la confiance entre les membres des différentes communautés. Dieumerci Kabibe est un acteur du comité de gestion et de prévention de conflit mis en place par Pole Institute, il y a plus d’une année dans cette région. Il fait visiter quelques boutiques appartenant à la communauté NANDE/YIRA. « Avant la tenue du processus de médiation, il était difficile à un membre de la communauté LESE ou HEMA de fréquenter toute maison de commerce appartenant aux NANDE/YIRA » témoigne-t-il. Dans une petite entreprise de transfert d’argent, un jeune tente d’expliquer les raisons. « Généralement la tension entre nous les NANDE/YIRA et les autres communautés était due aux tueries causées par l’activisme des groupes armés à caractère identitaire et les conflits des limites de terre » affirme-t-il. Actuellement, la confiance tente de se renouer grâce à l’implication des autorités depuis la mise en œuvre du projet « Soutien à la médiation et la résilience pour la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu », fait remarquer le coordonnateur territorial de la société civile d’Irumu. Gatabo Gili pense que c’est la seule approche qui permette de mettre fin à la haine tribale. « Je suis en mission ici pour faire le suivi des recommandations des assises tenues lundi 4 juin. Grâce aux activités du projet de médiation, les autorités ont réuni toutes les communautés après les altercations signalées il y a quelques jours entre les HEMA et le BIRA à une dizaine de km de Komanda ». « Un groupe de miliciens de la Force patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC) avait fait irruption alors que le chef de groupement était en réunion avec les membres de la communauté HEMA à Basunu., Cette présence des miliciens de l’obédience Bira a été jugée comme une provocation par les HEMA. Il s’en est suivi des affrontements faisant une dizaine de morts et un déplacement de population entre les deux communautés ». Pour rétablir la paix, le chef de la chefferie des Basili, par l’entremise de l’administrateur du territoire, a convoqué de nouveau toutes les communautés à Komanda. « Ma famille et moi avions fui ce village suite à la menace HEMA. C’est grâce à cette réunion que j’ai eu le courage d’y retourner », fait savoir ce membre de la communauté BIRA, victime de ces atrocités.
En territoire d’Irumu, les membres des différentes communautés se côtoyaient et se fréquentaient mutuellement. Ils pouvaient utiliser les mêmes infrastructures sociales telles que les marchés, les hôpitaux, les écoles, les églises, etc. Mais avec l’avènement du groupe armé FPIC vers fin 2019, une haine tribale s’est installée. Cette situation faisait suite à la restriction des mouvements pour certaines communautés instaurées par cette milice. Financé par l’Union européenne, ce projet a lancé une série de consultations non seulement avec les communautés en conflits mais également avec certains leaders des groupes armés.
En date du 24 au 25 mars 2023 à Nyakunde par exemple, les leaders du groupe armé FPIC ont signé et lu un communiqué autorisant les autres membres des communautés belligérantes de circuler librement dans toutes les entités sous leur contrôle. Ce dispositif a été décidé dans le cadre d’une activité d’accompagnement du processus de médiation entre les groupes armés et les autorités locales sous la facilitation du Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaires (P-DDRCs). Celle-ci a eu lieu à travers l’appui du consortium des ONG Interpeace, Pole institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et de l’Université de New York.
Toutes les barrières érigées par les miliciens sur la Route nationale numéro 27, axe Bunia-Komanda, ont été levées. Lors de la lecture de ce communiqué, le porte-parole de cette milice a déclaré : « Toutes les communautés, notamment les HEMA, doivent se sentir libres et circuler partout où elles veulent sans aucune inquiétude. Notre mouvement s’engage à assurer la sécurité de chaque individu se trouvant dans les entités qu’il contrôle. Tous les éléments de FPIC CHAMBRE NOIRE SANDUKU qui iront à l’encontre de ce communiqué seront sévèrement punis ».
Aujourd’hui, ces consultations avec ce groupe armé FPIC ont permis aux membres des communautés de se côtoyer, surtout ceux de la communauté HEMA, de fréquenter les marchés de Marabo, de même que l’hôpital général de référence de Nyankunde pour se faire soigner. Une amélioration saluée par le médecin chef de zone de santé de Nyakunde. Dr Désiré Duabo confirme à ce jour une fréquentation estimée à 10% de la communauté HEMA, notamment ses membres généralement venus de Djugu qui avaient complètement arrêté de se faire soigner dans cet hôpital. Pour lui, en cas de poursuite de la libre circulation dans les différentes entités, l’accueil des malades issus de ces communautés craignant pour leurs sécurité devrait s’accroître. « Des miliciens pouvaient faire descendre les passagers du véhicule et vérifier les identités des uns et des autres. Si l’on découvre un membre d’une communauté autre que celle qui est de cette milice à bord d’une voiture, on assistait à une menace de mort », reconnaît un jeune leader BIRA et coordonnateur d’une OING locale, Etienne Mweke, affirmant que le processus de médiation mis en place par ce projet a fait baisser cette tension.