Les Maliennes n’ont pas encore pu donner leur plein potentiel comme agentes du changement dans leur société. Beaucoup d’entre elles œuvrent pour davantage de prestations sociales dans les communautés et pour améliorer la cohésion et la consolidation de la paix. Mais trop souvent, leur engagement citoyen se heurte à des obstacles qui ne leur permettent pas d’y remédier. Parmi ceux-ci, le poids des normes socioculturelles, le manque d’accès à l’éducation et leur absence dans la prise de décision limitent les avancées pour elles sur cette question.
En réponse à cette situation, Interpeace et son partenaire local Aide au Développement Durable (ADD) ont officiellement lancé le projet "Voix des femmes : amplifier l'engagement citoyen et le rôle des femmes en agents de changement au Mali", financé par l'Union européenne (UE), à Bamako le jeudi 13 juillet. Jusqu'en 2025, les organisations de femmes du nord du pays, du centre et de la région de la capitale seront soutenues dans le renforcement de leurs capacités organisationnelles. Le dialogue avec les chefs traditionnels et les autorités sera élargi. Des actions de plaidoyer seront menées auprès d'un certain nombre d'acteurs clés afin d'accroître le rôle de ces femmes dans la construction de la paix.
Parmi les discours au lancement du projet, la représentante de la ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Ndeye Sow, conseillère en charge de l’autonomisation des femmes a relevé que le projet « vient à point nommé car il répond parfaitement aux soucis des plus hautes autorités de la transition pour l’émergence d’un Mali nouveau ». "On ne peut que se réjouir de cette initiative salvatrice", a-t-elle ajouté.
Présent pour la cérémonie, le maire de la commune du district de Bamako,Oumarou Togo, a invité Interpeace, son partenaire ADD et tous les acteurs à investir « pour faire de ce projet un succès inouï au bénéfice des organisations féminines de la société civile cibles ». La réussite de « Voix de femmes » dépendra de « l’implication effective de l’ensemble des parties prenantes à tous les niveaux », a fait remarquer de son côté la directrice régionale d’Interpeace, Maria Alessia Polidoro.
Un engagement qui n’est de loin pas une première pour Interpeace dans le pays. Présente depuis 2013, l’organisation avait déjà mené une vaste évaluation des défis du Mali pour la consolidation de la paix. Dans cette recherche action-participative (RAP) auprès de plus de 5000 personnes dans huit régions du pays et dans des camps de réfugiés dans trois Etats voisins, elle avait identifié les principaux obstacles à des avancées, ceux de l’érosion des valeurs sociétales, le manque d’accès des jeunes à l’emploi, les problèmes de gouvernance et l’insécurité.
Depuis, plusieurs projets ont été établis, dont « Voix de femmes » pour le plus récent. Pour garantir une large implication, des comités consultatifs régionaux et nationaux seront lancés pour guider toutes les initiatives et activités qui seront menées. Avec toujours comme objectif de faire entendre davantage au Mali la voix des femmes.
Le génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda a eu des conséquences importantes sur la santé mentale, la cohésion sociale et le développement socio-économique. En 1996, environ 130 000 individus soupçonnés d'avoir participé avaient été arrêtés et détenus. L’une des conséquences majeures du génocide a été les graves problèmes de santé mentale rencontrés par les survivants en raison des horribles atrocités commises contre eux et leurs proches. Des études récentes ont conclu que même les condamnés pour ces violences subissent diverses détresses psychologiques en raison des atrocités qu'ils ont perpétrées et de leur incarcération, ce qui rend leur réintégration effective dans leur famille et leur communauté après leur libération assez complexe.
"J'ai été profondément traumatisé par ma vie difficile en prison et j'étais trop en colère contre ma famille parce qu'ils ne se souciaient pas de moi comme je l'aurais souhaité", a déclaré Edi (pseudonyme), un condamné pour génocide détenu à la prison de Bugesera. installation située dans la province orientale du Rwanda.
Le cas d’Edi n’est pas isolé, puisque son collègue Alpan (pseudonyme) a également souffert d’une profonde dépression et d’un isolement social pendant plus de 27 ans. « Je me sentais traumatisé et anxieux chaque fois que je pensais à ce que j'avais fait pendant le génocide et à la façon dont j'avais déçu ma famille et ma communauté. Ici, je ne voulais parler à personne et je m’étais désintéressé de tout car je pensais que ma vie n’avait aucun sens », raconte-t-il.
Un nombre important de personnes reconnues coupables de crimes de génocide ont déjà été libérées ces dernières années. Selon les études d’Interpeace, elles sont susceptibles de provoquer des tensions et de l’anxiété parmi les familles des survivants du génocide et dans la communauté en général, pouvant conduire à la récidive. L’incapacité à garantir leur réadaptation psychologique efficace constitue un obstacle majeur aux progrès en matière d’unité et de réconciliation, 29 ans après les atrocités.
Depuis 2020, Interpeace et ses partenaires locaux, Dignity in Detention Organisation, Haguruka et Prison Fellowship Rwanda, avec le soutien financier de l'Union européenne et du gouvernement suédois, mettent en œuvre un programme holistique de consolidation de la paix qui simultanément aborde la santé mentale , favorise la cohésion sociale et renforce les moyens de subsistance économiques, avec un accent particulier sur la réadaptation psychologique et la réinsertion des prisonniers.
Impact des espaces de guérison de sociothérapie en prison
Interpeace, en collaboration avec ses partenaires locaux, a établi des espaces de guérison par sociothérapie dans cinq prisons, à savoir Bugesera, Nyamagabe, Musanze, Nyagatare et Ngoma, afin de fournir aux détenus sur le point d'être libérés des services de soutien psychosocial de groupe.
Après un processus de sélection rigoureux visant à évaluer leur niveau de détresse et leurs besoins, les détenus en voie de libération sont répartis en groupes de 12 à 15 membres chacun. Guidés par des codétenus bien formés, ils s'engagent dans des dialogues de guérison qui durent 15 semaines. Menés dans un espace sécuritaire et un environnement propice, ceux-ci simulent la guérison mutuelle, la tranquillité d’esprit et la cohésion.
« Les espaces de guérison en sociothérapie m'ont permis de réaliser qu'être en prison n'est pas la fin de ma vie. Avant, j’étais désespéré et je pensais que ma vie n’avait aucune valeur. Mais maintenant, j'ai retrouvé le sentiment d'un avenir meilleur après ma libération, qui est prévue dans moins de deux ans », a déclaré Alpan, qui a ajouté : « ils m'ont aidé à renouer avec celui que j'ai offensé. Nous nous parlons souvent au téléphone et je me sens prêt à lui demander pardon après ma libération ».
Comme ses codétenus, les espaces de guérison par sociothérapie ont permis à Edi non seulement de faire face à ses détresses et de renouer avec sa famille mais aussi de vivre en paix et en harmonie avec les autres prisonniers. En juin 2023, le premier groupe de 182 détenus a obtenu son diplôme dans les espaces de guérison de quatre prisons. Auparavant, plus de 50 ont obtenu leur diplôme au cours d'une phase pilote du programme mis en œuvre dans le district de Bugesera, à l'est du Rwanda, de 2020 à 2022. Selon l'objectif du programme, trois groupes obtiennent leur diplôme chaque année. Ceux qui sortent des espaces de guérison acquièrent des compétences pratiques qui les rendent mieux équipés pour lancer des opportunités de subsistance et gagner leur vie après leur libération.
Formation des agents correctionnels sur la mise en œuvre du programme
Interpeace a travaillé avec le Service correctionnel du Rwanda (RCS) pour élaborer un programme standardisé de réadaptation et de réintégration des prisonniers, qui a été adopté en juillet 2022. Le dispositif œuvre comme guide pour harmoniser le processus dans tous les établissements pénitentiaires et est mené par des agents correctionnels formés.
Du 5 au 11 juin, RCS, avec le soutien d'Interpeace, a organisé une formation de formateurs pour 45 agents correctionnels sur la mise en œuvre du programme. Les participants ont été sélectionnés dans des établissements correctionnels de tout le pays. Ceux qui terminent la formation formeront également leurs collègues en service. Le directeur des prisons Alain Gilbert Mbarushimana, l'un des participants, a salué la formation, déclarant qu'elle a renforcé leur capacité à mieux accompagner les détenus.
« Au cours de cette formation, nous avons appris diverses approches innovantes en matière de réhabilitation des détenus. Je suis convaincu que cela nous permettra d’aider efficacement les détenus à devenir de meilleures personnes. Nous nous sentons pleinement équipés pour partager nos connaissances et nos compétences avec nos collègues de tous les établissements pénitentiaires », a déclaré le surintendant Mbarushurishama.
Lors de la cérémonie de clôture de la formation, le commissaire des prisons Jean Bosco Kabanda, responsable de la Division éthique et doctrine au RCS, a souligné l'importance de celle-ci pour permettre à l'institution de remplir son mandat de réhabilitation des détenus pour qu'ils deviennent de meilleurs citoyens.
Il a également révélé que le programme sera associé aux cours de l’école de formation du RCS proposés au personnel nouvellement recruté et aux cours de recyclage destinés aux officiers en service.
« Nous sommes tous la terre… c’est mieux que la terre nous nourrisse et nous unisse… ». Face aux tensions foncières observées dans le territoire de Mambasa, dans la province de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC), l’administration a un rôle à jouer pour prévenir les conflits.
Dans le bureau de la division du service de cadastre, la nervosité est palpable chaque jour. En ce petit matin, une palabre vient d’opposer deux familles sur les limites des concessions. Pour le chef de division, le non-respect des procédures d’acquisition de la terre est en cause. Ces scènes de tensions se transforment pour la plupart en des conflits violents si certains membres de ce service ne sont pas suffisamment outillés sur la gestion des questions foncières.
Pour prévenir des affrontements et rétablir la paix entre les communautés, Interpeace a lancé une série de consultations et accompagnements des responsables provinciaux et acteurs locaux de l’administration foncière de l’Ituri. Cette approche est menée dans le cadre de la mise en œuvre du projet "Soutien à la médiation pour la résilience et la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu" financé par l’Union européenne. Elle est pilotée par un consortium de médiation regroupant Interpeace, Pole Institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et le Centre de coopération internationale de l’Université de New York.
Fin février dernier, un atelier d’accompagnement technique d’une trentaine d’acteurs locaux pour la résolution des conflits fonciers en territoire de Mambasa a été organisé. "Nous devons nous demander quel est l'héritage que nous allons laisser à la génération future. Nous devons écrire notre histoire. Ce n'est pas évident que nous puissions léguer à nos enfants les conflits, les mésententes ou les mauvaises choses'', a laissé entendre le chargé de programme au sein d’Interpeace, Christian Vangazi, au terme de cette discussion. Au cours de ces deux journées d'échanges, une trentaine de participants, parmi lesquels les leaders communautaires, ont abordé la compréhension de la loi et l’identification des contentieux fonciers. S’en est suivi un plan d'action face aux différends pouvant faire l'objet d'une médiation. l’administration a un rôle à jouer pour prévenir les conflits CONAREF) ont également été évoqués. Face aux tensions foncières observées dans le territoire de Mambasa, dans la province de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC), programme manager at Interpeace.
Au cours des échanges, les participants ont avoué avoir appris de nouvelles connaissances en rapport avec le domaine foncier. Pour eux, cette remise à niveau constitue une école d'apprentissage pour gérer les multiples conflits à Mambasa. "Nous félicitons Interpeace pour ce renforcement de capacité. Moi j'ai été marqué par la procédure d'acquisition de terres et l'historique de la législation foncière. (...) Vraiment merci beaucoup pour ces rappels", a affirmé un agent du service de l'urbanisme présent dans la salle. Et le chargé de relations publiques au parlement des jeunes de Mambasa, Papy Kalala, d’ajouter : « il est important de savoir résoudre les problèmes (...) et la solution passe par une bonne maîtrise du domaine foncier. (...) Cet atelier est une occasion pour nous tous de renforcer nos connaissances en cette matière ».
A travers ce projet, Interpeace souhaite mobiliser tous les membres de l’administration foncière dans la résolution des conflits fonciers pour rétablir la paix et la cohabitation pacifique entre les communautés. « Je vous appelle à nous prêter main forte dans ce que nous faisons afin que nous puissions déraciner tous les conflits et toutes les mésententes que connaît Mambasa. Nous sommes tous la terre et nous retournerons dans la terre » ,a déclaré Christian Vangazi .
Impliqué activement dans la mise œuvre de ce projet, l’administrateur militaire adjoint du territoire de Mambasa a exhorté les participants à ne pas seulement véhiculer les messages mais plutôt à vulgariser le cadre légal mis en place par le législateur. « Nous devons être des modèles dans la conduite des actions sur terrain et être guidés par l'esprit de la loi étant donné que nous agissons au nom de l'Etat congolais » .
Satisfaits, d’autres participants ont avoué que c'est grâce à cette séance de capacitation qu'ils sont à même de faire la distinction entre les services de l'administration foncière et celui de l’aménagement du territoire. "J'étais dans la confusion. Je ne savais pas qui faisait quoi entre les affaires foncières et le cadastre. (...) Je suis très reconnaissant envers Interpeace", a déclaré le chef de service du plan à Mambasa, Jean Maombi. "Avant cette formation, je pensais que chacun pouvait disposer de la terre comme il pouvait. (...) Grâce à cette formation, je viens d'apprendre beaucoup de choses. A nous maintenant de les mettre en pratique afin d'éviter de créer d'autres conflits fonciers à Mambasa", a affirmé pour sa part une conseillère auprès du chef de l’un des quartiers de Mambasa, Asha Hamadi.
Pour la coordination territoriale de la société civile, cette session de renforcement de capacité tombe à point nommé. Selon sa responsable, Marie-Noelle Anotane, il fallait un "rappel à l'ordre des animateurs de l'administration foncière", car d'après elle, "ce sont les services de l'administration foncière qui sont à la base de plusieurs conflits" à Mambasa. Pour rappel, les consultations avec les acteurs de la province de l’Ituri ont été menées depuis mai 2022 pour identifier les organisations œuvrant dans le domaine de la consolidation de la paix. Celles-ci ont permis de toucher les autorités de l’Etat de siège dans la région ainsi que les ONG pour rendre plus opérationnelle la tenue des médiations sur les enjeux conflictuels prioritaires.
Addis-Abeba, le 27 juin 2023 Le Ministère de la paix de la République fédérale démocratique d'Éthiopie et Interpeace, en collaboration avec le Centre pour la paix durable et le développement démocratique (SeeD) et ABCON, ont lancé aujourd'hui le projet pilote de l’Indice éthiopien de la paix (EPI) dans trois régions, celles de Sidama, la Région des nations, nationalités et peuples du Sud (SNNPR) et la Région des peuples éthiopiens du Sud-Ouest (SWEPR). Celui-ci est une initiative de recherche qui offre un outil unique pour comprendre l'état de la paix et de la résilience en Éthiopie, avec une analyse plus approfondie des complexités des conflits et de la consolidation de la paix. Il a également opérationnalisé une nouvelle approche de mesure du bas vers le haut et participative qui fournirait des stratégies fondées sur des données probantes aux acteurs locaux et internationaux dédiés à la promotion de la paix et de la réconciliation dans le pays.
L'indice, développé avec le soutien du Royaume des Pays-Bas, a utilisé une méthodologie quantitative participative dans les trois régions mentionnées ci-dessus. Grâce à une analyse complète des données recueillies auprès des citoyens, des chefs traditionnels et des administrateurs dans 101 Kebeles (petites unités administratives), il a mesuré divers facteurs influençant la paix, notamment économiques, sociaux, psychologiques, comportementaux et environnementaux.
L'EPI met l'accent sur l'importance des relations pacifiques entre communautés et entre différents groupes. Alors que les individus étaient généralement pacifiques, les communautés étaient confrontées à de nombreux conflits locaux violents. Afin de parvenir à une paix durable, il est important de cultiver un sentiment d'harmonie entre les divers groupes ethniques, de nourrir la solidarité et de renforcer les relations communautaires. L'indice met en évidence la nécessité d'une prise de décision objective par les dirigeants locaux, d'un renforcement des capacités pour réduire les préjugés et de compétences pacifiques telles que la tolérance sociale et les identités inclusives. L'étude révèle également les liens entre la paix et des domaines critiques tels que la sécurité alimentaire, le bien-être mental et l'égalité des sexes. Il appelle à des interventions ciblées qui s'attaquent à la pénurie, favorisent la cohésion sociale et autonomisent les groupes vulnérables.
Si l'indice éthiopien de la paix s'étend pour inclure davantage de régions en 2023, il fournira une référence nationale complète et permettra une analyse comparative de la dynamique de la paix en Éthiopie. Il vise à servir de ressource fiable pour les décideurs politiques, les acteurs de la paix et les partenaires de développement dans la conception d'interventions fondées sur des preuves et le suivi des avancées vers une paix positive durable. En adoptant une optique multi-systématique et en tirant parti des informations fournies par l'Indice éthiopien de la paix, les parties prenantes peuvent répondre aux griefs sous-jacents, renforcer la résilience et contribuer à une Éthiopie plus pacifique et plus prospère.
L'intégration de la SMSPS dans les efforts de consolidation de la paix et de justice transitionnelle en Somalie est cruciale pour une paix durable et le développement humain. Dans les régions touchées par des conflits comme la Somalie, les traumatismes, la dépression, l'anxiété et d'autres troubles de santé mentale ont un impact significatif sur le bien-être des personnes. D'après une étude menée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), un Somalien sur trois connaît des problèmes de santé mentale. De plus, le taux de suicide chez les hommes en Somalie s'élève à 11,5 pour 100 000 personnes, ce qui dépasse la moyenne mondiale.
Malheureusement, la disponibilité des services de santé mentale reste limitée, seul un petit nombre d'établissements de santé fournissant un tel soutien. Dans un pays de 15 millions d'habitants, il n'y a que trois psychiatres et 22 infirmiers qualifiés spécialisés dans les soins de santé mentale en raison d'un manque de fonds et de formation professionnelle. Le Somaliland a publié une politique de santé mentale pour 2021 afin d'améliorer les prestations, y compris le soutien communautaire, la formation, la recherche et la législation. Cependant, en raison des limites de financement dans les règlements d'application, l'adoption de la politique reste en suspens. En intégrant les programmes SMSPS, une réponse peut être efficacement apportée aux divers besoins des individus touchés par les conflits et les déplacements.
Le programme mené par Interpeace pour la "Cohésion sociale et gouvernance légitime par la justice transitionnelle (Miisaan)", constitué d'un consortium de partenaires divers, se concentre sur un processus de justice transitionnelle et de réconciliation à l’appropriation locale dans le contexte somalien. Le consortium reconnaît l'impact des conflits sur la santé mentale et souligne la nécessité d'intégrer la SMSPS dans les mécanismes post-conflit. Pour favoriser le dialogue et l'engagement, des tables rondes et des dialogues intergénérationnels ont été organisés à Galkayo, Erigaabo, Hargesia et Mogadiscio, impliquant des dirigeants communautaires, des responsables gouvernementaux, des organisations de la société civile, des anciens traditionnels, des jeunes et des femmes. Les discussions avec divers intervenants ont mis au jour des problèmes qui nécessitent une attention urgente pour s'attaquer aux problèmes de santé mentale. Les discussions ont permis au programme de mieux comprendre comment reconstruire les établissements de santé mentale. Pour relever ces défis, il a été convenu qu'il est crucial de donner la priorité à la collaboration entre le gouvernement et les parties prenantes pour allouer des ressources à ceux-ci et aux services de santé mentale, donner la priorité aux droits de l'homme et assurer la formation des médecins et des prestataires de services ainsi que des praticiens de la consolidation de la paix. Par ailleurs, les discussions ont exploré les pratiques traditionnelles et religieuses en tant que mécanismes d'adaptation pour les personnes touchées par la violence et les conflits.
Les discussions ont mis en évidence divers problèmes récurrents, notamment les meurtres par vengeance, les conflits fonciers, le vol de chameaux, les assassinats terroristes ciblés et les conflits administratifs, qui affectent les communautés. Les intervenants gouvernementaux qui ont participé aux discussions ont souligné la pertinence de l’approche SMSPS pour aborder les problèmes de santé mentale et tirer des leçons d'autres contextes qui ont connu des expériences de résolution communautaire.
En conséquence, une feuille de route pour l'intégration de l’approche SMSPS sera établie, en s'alignant sur les politiques, stratégies et ressources nationales. Elle visera à promouvoir le consensus et l'engagement des parties prenantes pour répondre aux besoins de santé mentale et psychosociaux dans les situations post-conflit et parvenir à une paix et une réconciliation durables. Le programme Miisaan affirme que l'intégration des structures SMSPS dans les mécanismes de justice et de réconciliation post-conflit est essentielle, étant donné l'impact négatif du conflit sur la santé mentale et de son entrave au fonctionnement pacifique des sociétés. Cette intégration contribuera à renforcer la sensibilisation, le plaidoyer et l'élaboration de politiques pour établir un avenir meilleur et des relations plus solides entre l'État et la société.
Alors que les chauds rayons du soleil illuminaient le paysage aride de Rhamu, dans le comté de Mandera, le matin du 11 mars 2023, un sentiment palpable d'anticipation remplissait l'air. La communauté Degodia au Kenya se préparait pour une réunion historique qui réunirait leurs proches de l'autre côté de la frontière en Éthiopie pour aborder les meurtres sporadiques en cours qui avaient tourmenté le comté, souvent attribués à des conflits transfrontaliers débordant sur le Kenya. L'année dernière, le sous-comté de Banisa à Mandera a connu des conflits depuis les frontières des zones éthiopiennes de Dawa et de Liban, qui abritent respectivement les communautés Garre et Degodia. Les meurtres sporadiques menaçaient la paix fragile qui avait été laborieusement obtenue à Banisa depuis 2018.
Interpeace, à travers le programme au Kenya et en collaboration avec le gouvernement du comté de Mandera, a réuni pour la première fois des anciens de la communauté Degodia et des représentants du roi du clan Degodia, Wabar Abdille. Parmi les participants figuraient les membres du cabinet de celui-ci, le sous-gouverneur du comté de Mandera, des membres élus de l'Assemblée du comté et des hauts fonctionnaires du gouvernement du comté. Leur objectif commun était d'établir une approche transfrontalière inclusive pour faire face aux déclencheurs de conflit et à la discorde dans le sous-comté de Banisa, en favorisant la coopération et la confiance entre les communautés transfrontalières.
Tout au long de la réunion, les participants ont engagé des discussions sur des questions critiques. Ils ont souligné la nécessité de briser le cycle des représailles, de renforcer la confiance dans les agences de sécurité et de garantir le respect des accords antérieurs tels que la déclaration de Banisa. De même, les anciens ont souligné l'importance de revoir celle-ci et ont proposé de réviser le document pour établir un accord transfrontalier plus contraignant et plus complet qui implique les habitants de Banisa et Malkamari au Kenya et la zone transfrontalière Dawa et Liban de l’Ethiopie.
Par ailleurs, les anciens éthiopiens ont révélé que des pourparlers avec leurs homologues de Garre avaient déjà commencé du côté éthiopien, signalant des développements prometteurs dans les efforts de consolidation de la paix pour répondre aux problèmes sous-jacents du côté éthiopien.
"Nous avons pris la responsabilité de résoudre à l'amiable les problèmes entre les clans Garre et Degodia dans les zones Liban et Dawa et nous promettons qu'il n'y aura plus de retombées désormais ou moins", a déclaré le conseiller de Wabar Abdille, Cheikh Omar.
Vers la fin de la réunion, une étape importante a été franchie. Pour la première fois, les sages ont signé un accord transfrontalier intracommunautaire entre Degodia du Kenya et d'Ethiopie. Celui-ci prévoit des mesures concrètes, notamment le renforcement des efforts pour résoudre les conflits dans le district éthiopien de Moubarak et la collaboration avec les administrations des zones Liban et Dawa. Par ailleurs, la réunion a ouvert la voie à de futures rencontres entre Wabar Abdille et Sultan Mohamed, chefs traditionnels des clans Degodia et Garre, respectivement, pour établir des collaborations transfrontalières efficaces en matière de consolidation de la paix.
Remerciant la délégation qui a assisté à la réunion, le représentant national d'Interpeace au Kenya, Hassan Ismail, a appelé les dirigeants à aider à pacifier la région transfrontalière.
« Nous reconnaissons que nous ne pouvons pas maintenir une paix éternelle en travaillant uniquement du côté kenyan. Nous discuterons avec nos partenaires de développement, en particulier le Ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, pour qu’ils nous soutiennent également dans la réalisation d'un travail similaire à Dawa et dans la zone Liban en Éthiopie. De cette façon, la résilience locale pour la paix peut être garantie et soutenue », a-t-il dit.
L'importance d'associer la communauté transfrontalière à travers une telle réunion inclusive ne peut être surestimée. Les efforts précédents de consolidation de la paix s'étaient concentrés uniquement sur le Kenya, négligeant la situation en Éthiopie. Le moment de cette réunion était crucial, car le sous-comté de Banisa avait connu une recrudescence des conflits transfrontaliers et des attaques de représailles entre novembre 2022 et février 2023. Le rassemblement a insufflé l'espoir d'un avenir meilleur qui mettrait fin aux conflits, favoriserait le partage des ressources et renforcerait la collaboration entre les communautés Garre et Degodia au Kenya et en Éthiopie.
« Cette rencontre nous a permis de réaliser ce que nous n'avions pas pu faire au cours de la dernière décennie ; ce sera le début d'un engagement de consolidation de la paix à long terme avec nos proches d'Éthiopie », a souligné le président du comité de paix du district, dans le sous-comté de Mandera Nord, Haji Bare Hassan.
La réunion de dialogue intracommunautaire s'est conclue sur un sentiment d'unité et d'optimisme, ouvrant la voie aux futurs dialogues prévus pour cette année. Avec le soutien du Ministère fédéral des Affaires étrangères d'Allemagne, le mécanisme réunira pour la première fois des membres des communautés Degodia et Garre du Kenya et d'Éthiopie afin d'établir un accord transfrontalier durable et contraignant qui amènerait les deux communautés à une résolution uniforme, contrairement à la précédente déclaration de Banisa qui portait seulement sur le Kenya.