Au Kenya, une reconnaissance et une mise en œuvre croissantes des systèmes de justice alternative (SJA) sont identifiées comme moyen de promouvoir l'accès à la justice. Ces systèmes alternatifs visent à offrir différentes formes de mécanisme de règlement des litiges, y compris des approches traditionnelles, à condition qu'elles ne violent pas la loi. L’approche adoptée dans la politique du système de justice alternative au Kenya est flexible et axée sur les citoyens, visant à combler les lacunes juridiques existantes et à répondre aux besoins de la population.
Dans le comté de Mandera, au Kenya, l’application de ce dispositif s’aligne sur le tissu culturel unique de la région. Ancrée dans les lois coutumières, notamment Xeer, et soutenue par les principes islamiques, le SJA du comté de Mandera est défendu par les anciens et les chefs religieux. Ce cadre vise à résoudre les conflits ancrés dans les normes locales. Il joue un rôle crucial, notamment face aux défis de sécurité régionale. Bien que le SJA soit efficace dans des contextes culturels, les cas complexes peuvent être renvoyés aux chefs religieux pour résolution. Ces dirigeants imposent le respect pour leur foi islamique, ce qui à son tour fait accepter leurs jugements. En conséquence, le nombre de litiges nécessitant une saisine des tribunaux est considérablement réduit. Il est significatif que le SJA ait reconnu le Xeer qui avait été signé par les anciens et les chefs religieux de Mandera le 14 septembre 2021, grâce au soutien du programme de consolidation de la paix de la Commission nationale de cohésion et d'intégration (NCIC)/Interpeace Kenya et qui est resté en vigueur depuis. Par conséquent, une petite minorité peut choisir de porter son affaire devant le système judiciaire formel, contribuant ainsi à décongestionner les tribunaux.
Cherchant à renforcer la reconnaissance et l'institutionnalisation du SJA, Interpeace et ses partenaires, le NCIC et le Réseau pour la paix, la cohésion et le patrimoine (NEPCOH), ont collaboré avec le Comité directeur national de mise en œuvre de la politique de justice alternative (NaSCI-AJS) pour équiper les acteurs locaux qui prennent en considération les conflits des compétences en matière de transformation et développer un « système de justice alternative, plan d'action du comté » pour défendre le rôle du SJA dans la résolution des conflits à Mandera. Cette initiative fait écho au mandat d’Interpeace avec le soutien du ministère fédéral des Affaires étrangères d’Allemagne, qui vise à renforcer les capacités des infrastructures nationales, infranationales et locales de consolidation de la paix pour prévenir et gérer collectivement les conflits violents. Cette approche implique l'établissement de cadres de consolidation de la paix au niveau communautaire et le renforcement des structures existantes par le biais d'un soutien et d'une formation. Celle-ci, animée par des formateurs du Secrétariat NaSCI-AJS, a réuni des responsables du comté, le Comité de surveillance du cessez-le-feu (CMC), des membres du pouvoir judiciaire, des anciens, des chefs religieux, des femmes, des jeunes et des représentants de diverses structures de paix.
Au cours des sessions de formation, Billow Issack, secrétaire du comté de Mandera, a souligné le rôle du système de justice alternative (SJA) dans le renforcement de la structure judiciaire existante. « Le gouvernement national reconnaît l'importance du SJA dans l'atténuation des problèmes tels que les conflits fonciers et autres et le gouverneur de Mandera est déterminé à la mise en œuvre réussie du SJA », a-t-il assuré aux parties prenantes.
Concernant la rapidité de la formation, le juge Wasike du tribunal de première instance de Mandera a exprimé sa gratitude à Interpeace, au NCIC et au NEPCOH pour avoir facilité la formation. « J'espère que la collaboration se poursuivra pour que le SJA puisse atteindre son objectif de réduire le nombre d'affaires renvoyées devant les tribunaux, car il y a une congestion et des retards dans la justice, ce qui constitue un déni de justice ». Il a apprécié la contribution des aînés et des chefs religieux pour leur participation active au recours aux mécanismes traditionnels et religieux pour résoudre les différends. « Le SJA respecte la culture et la religion des gens et ne vient pas imposer des pratiques inacceptables pour la communauté », a-t-il dit.
À la suite de la formation, une ébauche du plan d'action du comté du SJA a été établie grâce à la contribution collective du groupe de travail du SJA du Comité des usagers des tribunaux (CUC), des représentants du gouvernement du comté, des femmes, des jeunes, des chefs religieux et des anciens. Le projet de plan d'action du comté du SJA a été examiné et validé par le Comité directeur national sur l’application du SJA, puis lancé par la juge en chef du Kenya, la juge Martha Koome, qui a également inauguré le Centre Maslaha en tant que centre de débat et de résolution des conflits.
« Le SJA est bénéfique car l’approche est plus proche des gens, plus abordable, plus facile d'accès, familière et moins bureaucratique. Cela constitue également une forme de justice réparatrice. De plus, grâce à son caractère participatif, il assure une plus grande inclusion sociale. Ainsi, le lancement du Centre Mandera Maslaha AJS est une étape supplémentaire orientée vers la réalisation de l'objectif de mettre en place un système accessible, efficace, rentable et rapide », dit-elle.