Le génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda a laissé le pays avec des conséquences énormes sur la santé mentale, la cohésion sociale, la réconciliation et le développement socio-économique. Le gouvernement du Rwanda et ses partenaires ont déployé des efforts pour relever ces défis persistants, près de 29 ans après le génocide.
Pour soutenir ses efforts, Interpeace a lancé un programme de guérison sociétale qui utilise une approche holistique pour aborder la santé mentale, favoriser la cohésion sociale et stimuler les moyens de subsistance des individus et des communautés. Nommé « Renforcer la capacité communautaire pour la cohésion sociale et la réconciliation par la guérison des traumatismes sociétaux », celui-ci a été piloté dans le district de Bugesera, dans la province orientale du Rwanda, d'octobre 2020 à septembre 2022, avec un financement de l'Union européenne (UE).
Lors d'une conférence nationale de haut niveau organisée le 9 mars 2023 pour partager les résultats, les défis et les enseignements tirés de la mise en œuvre de la phase pilote, il a été révélé que le programme a montré qu'une approche holistique de guérison sociétale dans le contexte du Rwanda est plus pertinente que jamais, compte tenu de la transition sociopolitique de la réconciliation à la résilience communautaire, 29 ans après le génocide.
Celui-ci a utilisé des interventions psychologiques de groupe structurées et contextualisées (protocoles de santé mentale et de soutien psychosocial) pour établir et faciliter des espaces de guérison dans les communautés du district de Bugesera. Cette approche a contribué à réduire les traumatismes/blessures psychologiques, à accroître le sentiment de sécurité, de confiance, de cohésion et de réconciliation entre les survivants du génocide, les auteurs du génocide et leurs proches. Ils ont également stimulé les dialogues intergénérationnels entre ces personnes et leurs enfants, principalement ceux nés pendant ou après le génocide. Par ailleurs, le programme a abordé la transmission intergénérationnelle des héritages du génocide, les conflits conjugaux, l'amélioration de la communication et de la cohésion intrafamiliales et le renforcement de la résilience mentale de l'individu.
Les diplômés des espaces de guérison ont acquis des compétences entrepreneuriales et financières, leur permettant de lancer des initiatives de subsistance collaboratives et de cimenter davantage les relations sociales entre eux. Le programme a également contribué à améliorer le processus de réhabilitation et de réinsertion des détenus. Il a établi des espaces de guérison dans la prison de Bugesera, offrant un soutien psychosocial aux personnes sur le point d'être libérées et facilitant leur acquisition de compétences pratiques pour aider leur réinsertion sociale.
Dans ses remarques, la directrice principale des programmes d'Interpeace, Renée Larivière, a noté que le programme pilote a été lancé conformément à l'objectif stratégique de l'organisation de renforcer la résilience pour la paix. Elle a souligné le fait que la phase pilote a obtenu des résultats supérieurs aux attentes initiales. "Ce qui a commencé comme une modeste initiative visant à développer des moyens nouveaux et innovants de construire une paix durable nous a emmenés dans un voyage extraordinaire pour parvenir à un changement plus holistique", a-t-elle ajouté.
La conférence, qui rassemblait des tables rondes, des témoignages et du contenu audiovisuel, a été l'occasion de familiariser les décideurs politiques, les acteurs de la guérison sociétale et de la consolidation de la paix, les responsables gouvernementaux, les médias, les universitaires et d'autres personnes avec les approches du programme pour provoquer le débat sur les approches liées à la guérison des traumatismes sociétaux au Rwanda.
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Les participants ont salué les réalisations du programme et sa contribution à la construction d'une société rwandaise mentalement, socialement et économiquement résiliente, pacifique et inclusive. Pour pérenniser les gains du programme, la plupart d’entre eux ont plaidé pour l'institutionnalisation des outils établis (protocoles et curricula) et le lancement de mécanismes pour former les acteurs intéressés à leur bon usage. Un des participants est allé plus loin en appelant à une nouvelle institution. « Je suis reconnaissant à Interpeace, qui a développé et contextualisé ces outils. Les institutionnaliser est le meilleur moyen de s'assurer qu'ils ont un plus grand impact. Cependant, la meilleure façon d'assurer leur pérennité est de créer une institution d'apprentissage qui puisse servir à former les acteurs locaux pour les mettre en œuvre et partager l'expérience du Rwanda avec d'autres pays confrontés à des défis similaires », a suggéré Marcelin Sebagabo.
Son Excellence Belén Calvo Uyarra, ambassadrice de l'Union européenne (UE) au Rwanda, a réitéré le soutien de l'UE aux initiatives de consolidation de la paix au Rwanda. « Nous avons vu comment nos efforts pour promouvoir la guérison collective des traumatismes au Rwanda par le biais de la santé mentale, du soutien psychosocial et des moyens de subsistance ont eu un impact positif sur les communautés. Nous entendons comment d'anciens ennemis, victimes et auteurs en sont venus à se faire confiance à nouveau et développer des moyens de guérir la communauté. L'UE restera un partenaire solide du Rwanda dans les domaines de la réconciliation, de la consolidation de la paix et de la justice », a-t-elle ajouté.
Le secrétaire permanent du ministère de l'unité nationale et de l'engagement civique (MINUMWE) a apprécié l'approche holistique et adaptative d'Interpeace qui a conduit à des changements considérables aux niveaux individuel, communautaire et institutionnel. "Cette approche adaptative de la gestion des programmes constitue une bonne base pour la durabilité des résultats obtenus sur le terrain. Les protocoles qui ont été développés sont conformes à notre vision de promouvoir la normalisation dans le secteur de la guérison sociétale, et nous espérons qu'il y aura des moments pour leur institutionnalisation là où c'est applicable."
En conclusion, elle a remercié le gouvernement suédois d'avoir offert un financement qui a aidé à étendre ce programme à cinq autres districts avec l'objectif d'atteindre plus de 20 000 personnes au cours des trois prochaines années.