Le sous-comté de Tiaty, situé dans le comté de Baringo, dans la région du Rift Nord au Kenya, est en proie à des conflits persistants. La cause profonde de ces menaces à la sécurité remonte au début des années 70, lorsque la première attaque a eu lieu à Kalapata, dans le nord de la région, provoquant la perte de bétail. Avant cet événement, les communautés Pokots et Tugens coexistaient pacifiquement dans la région, s'engageant dans un système de troc mutuellement avantageux où les vaches étaient échangées contre des produits agricoles. Cependant, les tensions se sont intensifiées lorsque la communauté Pokot résidant à Tiaty a commencé à lancer des attaques contre les communautés voisines. Ce conflit en cours a abouti à des défis importants pour le gouvernement et les autres parties prenantes dans la fourniture de services essentiels tels que la nourriture, l'eau et l'assainissement aux communautés affectées. Malgré les efforts passés pour établir la paix, ces initiatives ont donné des résultats limités. En outre, l’élite instruite de Tiaty a été critiquée pour son incapacité à utiliser efficacement son rôle de leadership, entravant ainsi les transformations positives.
Pour relever ces défis, Interpeace a facilité un processus de dialogue interactif avec des professionnels principalement issus du sous-comté de Tiaty, dans le comté de Baringo. L'atelier a oeuvré comme plateforme pour que l'Association professionnelle Tiaty (TPA) et divers dignitaires, dont le sénateur du comté de Baringo, les membres du comité exécutif du comté (CEC) et certains membres de l'assemblée du comté, se réunissent. L'objectif de cette session interactive était de favoriser une intervention collaborative qui contribuerait à l'établissement d'une paix durable dans le sous-comté.
L’étude d’Interpeace intitulée « Obstacles à la paix et à la résilience communautaire dans la région du Rift Nord du Kenya » a guidé les discussions. Elle visait à identifier objectivement les fragilités sous-jacentes qui entravent la paix dans ce territoire. En outre, l’étude a cherché à établir les facteurs de résilience au sein des communautés qui pourraient être exploités pour favoriser la paix dans la région. Il est crucial de reconnaître que l’absence de paix à Tiaty a abouti à une importante marginalisation sociale et économique. Les personnes en position de pouvoir ignorent souvent cette réalité.
Parvenir à la paix à Tiaty nécessite de construire la paix et les capacités à partir de la base, dans le cadre d’une approche multidimensionnelle. Avec cet objectif à l’esprit, les réunions ont mené à un ensemble de résultats qui seront utilisés comme feuille de route pour la mise en œuvre réussie de la paix et du développement durables à Tiaty. Les points chauds de cette région ont été identifiés et cartographiés et des interventions et des réunions de paix ont été planifiées dans ces zones. Des messages clés ont été formulés, notamment la nécessité urgente de cesser les attaques contre les voisins, de restituer les animaux et les armes volés lors des raids et d'appréhender tous les bandits. La feuille de route oeuvrera comme boussole pour atteindre l’objectif d’établir une paix durable dans le sous-comté.
S'exprimant lors de la réunion, le président de l'association professionnelle Tiaty, Julius Akeno, a souligné un problème préoccupant qui persiste depuis trop longtemps. Il a reconnu que les professionnels, notamment ceux de la communauté Pokot, sont restés silencieux sur les questions de paix, peut-être en raison de leurs horaires de travail exigeants, dispersés à travers le pays. « Il est grand temps que les Pokot, en particulier les professionnels, s'expriment pour raconter leur histoire et établir des solutions pour résoudre les nombreux problèmes auxquels leur peuple est confronté », a-t-il affirmé.
Les efforts menés par la communauté sont également essentiels pour aboutir à un environnement propice à un changement positif. En combinant l’expertise des professionnels avec les connaissances et expériences de base de celle-ci, une approche globale de la résolution des conflits peut être établie. Une ministre du comté de Baringo, Maureen Limashep, a souligné la nécessité d'initiatives communautaires pour résoudre efficacement le problème de l'insécurité dans la région. « Notre objectif principal devrait être de mettre un terme à la menace du vol de bétail dans un délai raisonnable. Ce faisant, nous favoriserons un changement transformateur qui accélérera les efforts de consolidation de la paix et oeuvrera comme catalyseur du développement, de la sécurité, de la justice sociale et économique et de la réconciliation », a-t-elle dit.
Le président du comité sénatorial de sécurité du comté, William Cheptumo, a souligné la nécessité du développement de ce territoire. Il a reconnu la réalité indéniable d’une marginalisation profondément enracinée qui a entravé les avancées et accru les tensions entre les communautés. « Si nous ne devenons pas honnêtes et n’acceptons pas qu’il y a un problème, nos actions seront vaines », , a-t-il dit. Il a informé les participants des projets du gouvernement de recruter des réservistes de la Police Nationale (NPR) pour Tiaty. Cette décision stratégique devrait résoudre de manière significative le problème du vol de bétail, qui constitue un défi persistant dans la région.
De son côté, le représentant pays d'Interpeace Kenya, Hassan Ismail, a exhorté les professionnels à s’impliquer dans la résolution des conflits. Ceux-ci « devraient accélérer leur implication dans la résolution du conflit à Tiaty, car cela favorisera automatiquement la paix et la sécurité à Baringo, Samburu, Laikipia, Elgeyo Marakwet et dans le comté de Turkana », selon lui.
Le soutien d’Interpeace à l’association professionnelle Tiaty représente un engagement et un principe selon lequel « rien sur nous sans nous ». L’initiative vise à donner aux membres de celle-ci les moyens de jouer un rôle central dans la réalisation d’une paix et d’un développement durables dans la région. Elle reconnaît que les efforts communautaires, associés à la participation active des professionnels, sont essentiels pour briser le cycle de la violence et favoriser un changement positif.