Gestion des conflits fonciers en Côte d’Ivoire: « Le cadre de collaboration nous permet d’ouvrir le dialogue avec l’Etat pour trouver des solutions pour l’avenir de nos enfants »

March 30, 2021
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Photo credit: Interpeace

Dans certains villages riverains des aires protégées et des forêts classées en Côte d’Ivoire, les tensions entre les agents forestiers et les habitants sont une source majeure de conflits. Les agents de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) ou de la Société de développement des forêts (SODEFOR) sont souvent considérés comme des agents de répression envoyés par l’Etat pour sanctionner les populations, et leur rôle dans la préservation est mal compris. De même, ces représentants de l’Etat perçoivent les communautés comme un danger pour l’environnement qu’ils s’évertuent à protéger. Le forum national sur la mise en œuvre apaisée et effective du processus de préservation des forêts classées et des aires protégées, organisé par Interpeace et son partenaire Indigo Côte d’Ivoire le 24 mars à Abidjan, a proposé des solutions durables à ce problème.

Les deux institutions ont tenu un évènement-clé pour clore le projet Participation à la Gestion du Foncier Rural (PAGEFOR) démarré en février 2019 et portant sur les dynamiques de conflits autour de ce processus, d’une part, et de celui de la délimitation des territoires de village (DTV), d’autre part. Le forum a attiré des décideurs politiques, dont la sénatrice chargée des questions relatives à l’environnement, Emilienne N’tamé Anikpo, des représentants des agences techniques chargées de la préservation, des organisations de la société civile et des acteurs internationaux. Cette réunion a permis de dresser le bilan du projet dont le premier objet était de contribuer à l’inclusivité, à la durabilité et à la bonne gouvernance des processus de préservation des aires protégées et des forêts classées tout en diminuant les tensions qui y étaient liées. Le projet s’est principalement déroulé dans quatre villages riverains de la forêt classée du Goin Débé (Cavally) et du parc national du Mont Péko (Guémon), à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Dans ces zones, des conflits latents existent entre la population et les agents de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) ou de la Société de développement des forêts (SODEFOR), qui affectent le vivre-ensemble et entravent la politique de préservation.

Parmi les progrès importants du projet, il convient de noter la création de cadres de collaboration qui ont permis de mener un dialogue structuré et régulier entre les représentants des communautés des villages de Paris-Léona (Cavally) et Bagohouo (Guémon), le chef de zone de l’OIPR ou de la SODEFOR et le sous-préfet. Ces formats ont favorisé un dialogue ouvert entre les parties prenantes afin d’instaurer la confiance et de trouver des solutions pour soulager les tensions.

« Avec l’expérience vécue avec Indigo, on a compris qu’il ne faut pas tout régler par la bagarre, qu’il faut s’asseoir avec les représentants de l’Etat pour débattre. Aujourd’hui, on arrive à s’entendre avec le sous-préfet, avec le chef du village. Le cadre de collaboration nous permet d’ouvrir le dialogue avec l’Etat pour trouver des solutions pour l’avenir de nos enfants. Au début, c’était pas pareil, on voyait l’OIPR comme l’ennemi numéro un.» - a commenté Nomane Yro , président du cadre de collaboration de Bagohouo.

Ces mécanismes ont participé à l’amélioration de la cohésion sociale dans ces localités en réduisant les tensions et les peurs entre les populations et les agents de l’OIPR et de la SODEFOR. Les citoyens ont désormais une meilleure compréhension du rôle des agents, de l’objectif de préservation et de ses moyens de mise en œuvre. Les agents communiquent mieux et plus régulièrement avec les populations et commencent à mettre en place des actions communes pour la préservation de l’environnement : « il faut mettre l’accent sur la collaboration avec les autochtones. Les tensions que nous avons pu baisser dans les localités, c’est avec le concours des populations » - a affirmé Desiré Tanoh , sous-préfet de Bagohouo.

« Indigo est venu pour mettre un cadre de collaboration en place pour travailler avec la SODEFOR. Ensemble, nous sommes allés à Ira [autre forêt classée] pour regarder comment la politique de reboisement avait été faite. Et nous avons compris. Paris Leona va reboiser la forêt classée du Goin Débé et l’Etat va venir voir» -  Jean-Baptiste Guei, Chef Adjoint du village de Paris-Léona.

Le forum national d’échange pour une mise en œuvre apaisée et efficace du processus de préservation des aires protégées et des forêts classées a présenté les résultats de la recherche menée par Interpeace et Indigo CI sur les défis et lancé une discussion sur les pistes de solution. Parmi les défis ont été identifiés les différences de compréhension du processus de préservation selon les parties prenantes ; les insuffisances de l’Etat dans l’application du processus ; la crise de confiance verticale entre populations et agents forestiers représentants l’Etat, née de ces mauvaises compréhensions et de cette insuffisance ; et la crise de confiance horizontale entre communautés, amplifiée par un sentiment de traitement inégal de la part des agents forestiers.

Photo credit: Interpeace

Plusieurs pistes d’action ont été discutées en plénière pour répondre à ces défis, dont  : la nécessité de générer une compréhension partagée entre populations, autorités et agents forestiers du cadre politico-légal entourant le préservation ; la création de formats de dialogue inclusifs et de collaboration entre parties prenantes ;  ou encore la promotion d’une cacaoculture écologiquement et socialement durable. A l’avenir, les résultats de cette rencontre permettront de poursuivre la réflexion sur la pertinence, la faisabilité et les moyens nécessaires à la réalisation des pistes d’actions discutées.  Afin de clore le second objet du projet sur le processus de délimitation des territoires de villages (DTV), Interpeace et Indigo Côte d’Ivoire organiseront un autre forum national qui aura lieu le 31 mars à Abidjan.