Au-delà de l'idéologie et de l'appât du gain: Trajectoires des jeunes vers les nouvelles formes de violence en Côte d'Ivoire et au Mali

2 novembre, 2016

La présente étude, conduite avec le soutien financier de l’UNICEF, s’appuie sur le constat selon lequel, la recherche de la paix nécessite une approche globale, concertée et déterminée qui vise à traiter les causes profondes des conflits ou des problèmes, y compris dans leurs dimensions économique, culturelle et sociale. Interpeace et ses partenaires locaux, Indigo Côte d’Ivoire et l’Institut Malien de Recherche Action pour la Paix (IMRAP), ont mené une analyse participative des trajectoires et du rôle des systèmes éducatifs dans l’engagement des jeunes et des adolescents vers les nouvelles formes de violence en Côte d’Ivoire et au Mali. Cette étude entend suggérer une perspective complémentaire en mettant l’emphase sur la complexité des dynamiques sociales autour de la violence, en tant qu’éléments structurants, en plus des facteurs économiques et idéologiques menant les jeunes vers les nouvelles formes de violence.

En d’autres termes, cette étude vise à comprendre comment différents espaces de socialisation (ou d’éducation au sens large) - famille, école, groupes d’amis, rue, communauté, groupes alternatifs - structurent les trajectoires de ces jeunes gens vers les nouvelles formes de violence en Côte d’Ivoire et au Mali.

Les conclusions du présent processus permettent de comprendre et d’expliquer les trajectoires des jeunes vers les nouvelles formes de violence. Le démarchage idéologique (religieuse, politique et autre) ne suffit pas à déterminer et structurer les trajectoires d’engagement des jeunes dans la violence (ou dans un groupe « extrême » voire violent). L’idéologie intervient beaucoup plus systématiquement dans la légitimation de la violence à posteriori et/ou comme outil de renforcement de la cohésion au sein du groupe. En outre, l’étude montre que la promesse d’argent, à elle seule, ne suffit pas à pousser les jeunes à commettre des actes violents et/ou à rejoindre une groupe « extrême. ». L’aspect économique doit être compris comme simple composante d’une réalité plus large et complexe, celle de la réussite et de la valorisation sociale.

Les notions de recrutement ou de radicalisation peinent à prendre en compte les processus à l’œuvre de « socialisation à la violence ». En particulier, l’étude met en relief un phénomène de « professionnalisation de la violence » opérant dans « un marché de la violence » transfrontalier.

De plus, selon les populations consultées, une profonde crise éducative affectant la famille, l’école et la communauté est à la base des trajectoires des jeunes vers la violence. Souvent pointées du doigt comme un facteur de risque, les écoles coraniques peuvent constituer en réalité une source de résilience positive jouissant d’une forte légitimité auprès des populations de par leur capacité à assurer une transmission effective de valeurs et un contrôle social fort. Néanmoins, les écoles coraniques peuvent aussi contribuer aux trajectoires des jeunes vers les nouvelles formes de violence : non pas à cause de leur idéologie religieuse, mais en raison du fort contrôle/autorité dont le maître jouit sur ses élèves/talibés, ce qui, s’il est mal intentionné, lui permet de mener ses élèves sur le chemin de la violence.

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This study, conducted with the financial support of UNICEF, is based on the recognition that the search for peace requires a comprehensive, concerted and determined approach to address the root causes of all issues, particularly conflict, including their economic, cultural and social dimensions. Interpeace and its local partners, Indigo Côte d'Ivoire and the Institut Malien de Recherche Action pour la Paix (IMRAP), led a participatory analysis of the trajectories and the role of education frameworks in the engagement of young people and adolescents towards new forms of violence in Côte d'Ivoire and Mali. This study aims to suggest a complementary perspective emphasizing the complexity of social dynamics around violence as structuring elements, in addition to the economic and ideological factors leading young people to pursue new forms of violence.

In other words, this study aims to understand how different spaces of socialization (or education in the broader sense) - family, school, peer groups, the streets, and the community at large - structure the trajectories of these young people towards new forms of violence in Côte d'Ivoire and Mali.

The findings of this process help to understand and explain the trajectories of youth towards new forms of violence. Ideological solicitation (religious, political or other) is not enough to determine and structure the trajectories of youth engagement in violence (or in an "extreme" or violent group). In fact, the ideology factor is part of the legitimization of the violence a posteriori and/or as a tool to reinforce the cohesion within the group. In addition, the study shows that the promise of money alone is not enough to push young people to commit violent acts and/or join an "extreme" group. The economic aspect must be understood as a component of a larger and more complex reality of success and social valorization.

The notions of recruitment or radicalization fail to take into account the processes of "socialization to violence". In particular, the study points to a phenomenon of "professionalisation of violence" operating in a cross-border "violence market".

Moreover, according to the population consulted, a deep educational crisis affecting families, schools and communities is at the root of young people's trajectories towards violence. Often referred to as a risk factor, Koranic schools can often be a source of positive resilience with a high degree of legitimacy in the community, thanks to their ability to ensure effective transmission of values ​​and strong social control. Nevertheless, Koranic schools can also contribute to the trajectories of young people towards new forms of violence: not because of their religious ideology, but because of the strong authority that the master has over his students (talibés) which, if ill-intentioned, may allow him to lead his pupils towards a violent path.

Photo credit: Aboubacar TRAORE